Le mystère d'une série de vols élucidé à l'écovillage de Pourgues

Les mêmes défis sociétaux, une réponse collective différente

Entre février et mai, le collectif et plusieurs habitants ont été victimes de vols : sous de la caisse espèce, téléphones, matériel informatique… Le dommage total a été estimé à 2500 €. Le coût humain, lui, a été infiniment plus important : ambiance d'insécurité, soupçons, impuissance, honte, culpabilité, colère… tant que l'affaire n'était pas élucidée, un beau mélange de tous ces sentiments parcouraient notre collectif, et venaient entâcher celui de s'être créé notre petit paradis sur Terre.

Comme quoi, malgré les gigantesques efforts faits depuis 2017 pour créer une vie collective où la valeur confiance est au centre, force est de constater que nous sommes confrontés à des réalités similaires au reste du monde. Durant cette période, notre collectif a été mis devant le défi d'inventer sa manière de répondre, ni plus ni moins, à des actes de petite délinquance.

Était-ce le fait d'ados en crise ? D'un-e cleptomane arrivé chez nous récemment ? D'un-e habitant-e en galère qui n'a pas su faire autrement ? En l'absence de preuves, tous les scénarios étaient envisagés, mais le premier avait l'air intuitivement le plus probable. Alors nous les avons confrontés, nos ados. Leurs parents les ont interrogés et même fouillé leur chambre pour en avoir le cœur net. Mais rien.

Alors, au pays de l'authenticité, on s'est dit qu'un bon cercle de parole ferait l'affaire. Chaque personne a témoigné de son expérience. Plusieurs ont partagé à quel point la situation les mettait en détresse. En toute honnêteté, chacun a aussi témoigné de son expérience de vols dans sa jeunesse : le magazin, le portefeuille du grand-père… OK, on est tous humains, on a vécu des trucs, mais ici, ensemble, le but est de nous transformer et créer un nouveau monde plus sain. Alors comment faire ?

Plusieurs d'entre nous avons confronté nos quatre ados, en leur promettant qu'on allait résoudre tout ça de manière bienveillante et raisonnable. Et de sang froid, sans osciller le moindre sourcil, ils nous ont menti tous les quatre. "Je comprends qu'on soit soupçonnés. J'aurais fait pareil à votre place. Mais je vous assure que je n'ai rien fait."

Et les vols ont même continué après cette réunion. Jusqu'à ce qu'un jour, une faute de maladresse de l'un deux, et la preuve était là : un téléphone sous l'oreiller qui ne lui appartenait pas. Alors son père ne l'a pas lâché jusqu'à ce que, plus que le morceau, il crache tout le gâteau. Tout (ou presque ?) a été élucidé sur les jours qui suivent.

Alors on a activé nos deux outils de justice. La justice traditionnelle, dans un premier temps, via notre comité d'enquête et d'arbitrage. Oui, c'est une sorte de tribunal. Alors certains diront qu'on les a punis et que ce serait violent, mais, tel que nous le voyons, nous les avons plutôt mis face aux conséquences de leurs actes et leur responsabilité.

1) Celle de réparer la faute en remboursant les victimes et en payant une amende au collectif, représentant symboliquement l'énergie que ça nous a pris. 

2) Celle de protéger le cadre de vie en imposant une restriction de plusieurs mois d'accès à certaines parties communes où les vols ont été commis.

Et la justice restauratrice, dans un deuxième temps, avec un cercle de parole où l'objectif est d'entendre le vécu de chacun et croître en empathie et en compréhension mutuelle. Ce fut un moment d'humanité rare, difficile à retranscrire en un paragraphe. De la tension, des larmes, des sourires, des rires, de l'amour. La vie collective, quoi.

Certains diront "mais ils sont fous de partager cette part d'intimité ! Ne craignent-ils pas pour leur réputation, pour l'image d'un des principaux écovillages de France ?" Et ce que nous répondons à cela, c'est qu'au contraire, l'idée n'est pas de montrer une vitrine de notre mode de vie, mais d'en transmettre les réalités, pour sensibiliser les personnes qui nous suivent aux écueils de la vie collective et comment les surmonter en conscience. L'idée n'est pas de vendre du rêve, mais de montrer notre réalité.

Et pour les personnes qui souhaitent aller plus loin que cet article et nous voir à l'œuvre, le mieux est de venir en vacances immersives chez nous, ou en formation. Il reste encore des places pour la session Vivre en collectif du 29 juin au 5 juillet, celle de la semaine prochaine étant complète. En amont de cette formation, les détails de notre système de justice traditionnelle et restauratrice sont présentés dans notre parcours en ligne Fonder un collectif.

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