La gourvernance démocratique, à Pourgues, ça marche comment, concrètement ?

Face au réel, cette vision naïve n'a pas tenu bien longtemps. Nous nous sommes rendus compte qu'en pratique, le pouvoir n'était pas tant entre les mains du Conseil de Village. Le plus souvent, c'était juste une chambre de validation pour des propositions travaillées en amont et quasi prête à voter à l'unanimité. En creusant sur ce qui fait autorité, il faut donc aller regarder du côté des personnes qui portent des propositions structurantes pour le projet.

Les cercles d'influence à Pourgues

Aujourd'hui, plutôt qu'un seul cercle de personnes égales en pouvoir, nous avons affiné une perception plus réaliste en 3 cercles.
Au centre, il y a tout d'abord la Personne-Source, celle qui a initié le projet, et qui joue un rôle naturel de gardien de l'ADN du projet global, de visionnaire qui anticipe et affirme les prochaines grandes étapes, et d'entrepreneur qui engage le projet dans des risques nécessaires à son développement.
En équipe avec cette personne-source globale, il y a quelques personnes qui portent des responsabilités majeures, et qui soutiennent la construction du consensus sur des sujets fondamentaux. Ils forment le cercle source.

Puis il y a le cercle soutien, formé des personnes qui contribuent au quotidien à la réalisation du projet.

Puis il y a le cercle satellite, formé de personnes qui viennent apporter une contribution plus ponctuelle ici et là.

Quant aux enfants, ils sont en cours d'apprentissage pour intégrer l'équipe projet. Ils contribuent à la hauteur de leur niveau de maturité et de compétence.

Le pouvoir, entre asymétries et responsabilités 

Alors où se situe le pouvoir dans un projet collectif s'il n'est pas tant entre les mains d'un Conseil supposément démocratique et tout puissant ? Ce que nous observons, c'est qu'au fur et à mesure que des personnes prennent des responsabilités et les exercent de manière stable et fiable sur la durée, elles gagnent en pouvoir sur le projet.
Donc sans pour autant qu'on puisse parler de chefs qui commandent les autres, il y a bel et bien des asymétries de responsabilités (donc de pouvoir) dans tout projet, même ceux qui, comme Pourgues, sont fondés sur de grands idéaux d'égalité. Depuis cette réalité, nous avons revisité la définition de la démocratie, qui n'est pas tant la distribution égale du pouvoir, mais qui repose sur deux grands principes :

1) la transparence - une vigilance permanente à nommer les intentions avec sincérité, et l'effort constant de mettre en lumière ce qui est dans l'ombre, notamment en étant à l'écoute des ressentis, des émotions, des besoins profonds de chacun-e.

2) la coopération - une ouverture à se remettre en question (en particulier pour les leaders), une pratique permanente de concertation et de construction d'un consensus, la célébration d'une diversité nourricière pour l'intelligence collective plutôt que la compétition pour gagner un débat.

Les principaux paramètres que nous retenons de notre expérience sur comment se construit (et se détruit) une source d'autorité :

  1. Compétence - au sens large, le niveau d'expérience, de facultés, de vitalité.

  2. Expérience - l'ancienneté, le nombre d'heures de vol avec le projet, la stabilité et la fiabilité de l'engagement tout du long.

  3. Confiance - la qualité des relations avec les autres membres du collectif ; les multiples preuves d'une attitude à l'écoute, éthique, dévouée.

  4. Patience - le soin pris à consulter des personnes une par une en amont pour travailler à construire un consensus.

Et vus les conditionnements millénaires d'une société patriarcale dont nous sommes toutes et tous empreints, un tas d'autres privilèges jouent inconsciemment sur la confiance accordée à une autorité (âge, genre, acquis socio-économiques, ancienneté dans le projet, capacité à rester calme, etc.)

Face à ce constat, il existe donc deux voies possibles et potentiellement complémentaires pour cheminer vers une distribution plus égalitaire du pouvoir :

  1. Dé-pouvoirer les leaders. Cela impliquerait de ralentir le rythme, diminuer leur puissance d'agir au service du projet, ce qui n'arrive que lorsqu'ils sont fatigués ou désavoués, ce qu'on essaie au maximum d'éviter, car le projet a besoin de leur énergie particulière.

  2. Empouvoirer les autres. Oui ! Le rêve, c'est que tout le monde épanouisse son plein potentiel et exprime toute sa puissance et sa créativité. Qui pourrait s'opposer à ce principe ? Mais attention à ne pas trop pousser. Pour de nombreuses personnes, prendre des responsabilités est source d'anxiété et de souffrances.

Notre approche repose surtout sur la pratique de visibiliser ce qui est, avec le plus haut degré possible de raffinement. Une fois que l'architecture de pouvoir est mise en lumière, de conscientiser comment chacun-e se sent avec cette réalité, accueillir ce qui est confrontant et source de désillusion, et faire un travail intérieur sur notre rapport au pouvoir. Sur l'année 2024, notre collectif a travaillé à poser ce constat, et à l'accepter. Et nous avons prévu d'être accompagnés sur deux jours pour travailler plus en profondeur sur les principes sources.

L'étape d'après : de transformer, tout en douceur, ce qui est encore éloigné de notre idéal, au rythme qui est bon pour le projet et pour chacun-e.

Mettre en place une gouvernance pour un projet reste une mission qui nécessite de l'expérience et de la pratique. Si cet article te parle et que tu souhaites approfondir, nous t'encourageons chaleureusement à venir observer et apprendre de notre fonctionnement directement à l'écovillage de Pourgues, en rejoignant notre formation immersive Vivre et Créer un collectif.

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