Notre projet d’écovillage
Déployer un écosystème d’apprentissages et cultiver un mode de vie résilient
L’éducation démocratique au coeur du projet
Né il y a plus d’un siècle au Royaume-Uni avec la fondation en 1921 de l’école Summerhill par Alexander Sutherland Neill, le courant éducatif des écoles démocratiques se base sur un principe simple : les enfants sont considérés comme des personnes à part entière, libres auteurs de leur chemin de vie. Ils sont responsables de leurs choix quotidiens, ce qu’ils font de leurs journées et de ce qu’ils apprennent.
Les parents font pleinement confiance en ces choix et dans les mécanismes inhérents à la nature du jeune enfant pour qu’il apprenne et s’adapte à son contexte de vie. Partout dans le monde et depuis la nuit des temps, l’enfant joue librement et converse avec des personnes de tous les âges, il s’intègre au fonctionnement de son collectif et vit en immersion dans la “vraie vie”. L’importance du jeu libre, de la conversation, du multi-âge et de l’intégration dans le monde réel ont été largement développés par nos deux principales sources d’inspiration :
Peter Gray, chercheur et professeur en psychologie, et auteur de Libre pour Apprendre
Daniel Greenberg, fondateur de la Sudbury Valley School et auteur de l’Ecole de la Liberté.
Des principes étendus aux adultes
A la genèse de notre projet d’écolieu, voici les premiers mots qui furent prononcés en mai 2016 : “au-delà d’une école-, nous serons un village-démocratique, où enfants et adultes seront vraiment libres de faire ce qu’ils veulent de leurs journées, pour enfin devenir des personnes pleinement créatives et épanouies dans leur quotidien !” Notre ambition est que chaque personne se relie à sa motivation intrinsèque, là où elle se sent enthousiaste et pleinement engagée dans son activité par passion, désintéressée du résultat. Nous espérons que l’équilibre économique devienne une des conséquences naturelles d’un groupe d’humains créatifs et heureux.
Etre soi dans la cohabitation de la diversité
Dès l’emménagement des deux premiers habitants de Pourgues le 8 mars 2017, nous faisons face à ce défi d’être pleinement soi-même tout en cohabitant avec des personnalités très diverses. Libre d’être soi, ensemble fut la première formulation de notre raison d’être, considérée comme notre devise sur nos 5 premières années. Notre souhait d’authenticité nous fait refuser règles ou normes, quelle qu’elle soit, par pression sociale ou simple force de l’habitude.
La cohabitation de la diversité nous amène peu à peu à accepter chaque norme, chaque compromis en conscience, sur la base de l’expérience. Les tensions sont des occasions de découvrir un peu plus qui nous sommes, et nous faisons effectivement de la tension notre meilleur ami, point de départ d’une quête de connaissance de soi, de l’autre, et source de construction de notre cadre et notre organisation.
Avec l’authenticité comme valeur phare, nos Conseils de Village (organe de décision par démocratie directe), et nos Cercles Restauratifs (processus de transformation des conflits interpersonnels), nous co-construisons depuis 6 ans notre collectif, pas à pas, tension après tension.
Transformation intérieure et bien-être
Au fur et à mesure de notre cheminement, nous découvrons les limites du conflit relationnel comme seul vecteur d’évolution collective. Pour que notre groupe et chaque individu gagne en maturité, il est tout aussi important que chacun·e d’entre nous s’engage sur un chemin de transformation intérieure. Métaboliser ses émotions en autonomie, se remettre en question et prendre sa part de responsabilité et sortir de la posture de bourreau ou de victime. Les habitants ont senti le besoin d’être outillées et accompagnées dans leur processus, et surtout d’aménager au quotidien un espace-temps de travail personnel.
A partir de 2022 une partie des habitants de Pourgues ont intégré une pratique assidue du Yoga traditionnel développé en Inde depuis des millénaires. Chaque stage est l’occasion d’intégrer de nouveaux outils en toute autonomie dans son quotidien. De cette technologie puissante et transformatrice, au service d’individus plus sereins, plus autonomes et mieux dans leurs corps et leur esprit. Plusieurs habitants suivent aussi une thérapie pour explorer les traumas à l’origine de la construction de certains aspects de leur personnalité, et devenir plus libre de choisir leur vie.
Contribution en conscience et solidarité
Le modèle économique de Pourgues est inspirés de Reinventing Organizations de Frédéric Laloux. La liberté individuelle étant la valeur portée avec radicalité, nous accordons une confiance aux cohabitants pour choisir à quel point et comment ils contribuent aux finances et aux activités du collectif :
la contribution bénévole en temps sur les activités non lucratives (~1500 h / mois), par exemple l’éducation des enfants
la contribution à l’activité lucrative d’accueil de séjours et stages, générant ~14 000 € de revenus par mois
la participation à l’apport au capital pour l’acquisition d’une propriété collective d’une valeur de 1 M€
le montant de la contribution mensuelle, pour boucler notre budget (~7000 € par mois).
Notre modèle solidaire rassemble des personnes issues de corps sociaux différents et de capacités financières, physiques et mentales plus ou moins importantes et permet :
de s’engager intensément dans des activités non-lucratives, tant que sur les activités lucratives
de pouvoir bénéficier de temps de congés (maladie, travaux, formation, jeunes parents, etc.) tout en continuant de bénéficier de son hébergement et des denrées alimentaires accessibles en libre service, et en autonomie vis-à-vis des aides sociales (aucun bénéficiaire du chômage, du RSA ou des APL chez nous)… c’est équivalent à la situation de bénéficier d’un revenu de base inconditionnel pour toutes et tous
Pour illustrer plus concrètement l’ampleur de la solidarité entre habitants, permise par notre modèle de contribution en conscience des ressources de chacun·e, pour les versements mensuels, cela va de 0 € à 2000 € par mois selon les personnes et moments de notre histoire. Pour l’acquisition de la propriété : de 0 à 500 000 €. Pour la contribution en temps, de 20h à 60h par semaine. Pour ce qui est de porter la fameuse “charge mentale”, la responsabilité de porter et coordonner le projet, nous avons également vécu de fortes asymétries, difficiles à quantifier.
Certaines de ces asymétries ont été sujets de fortes tensions ; des sentiments d’injustice se sont exacerbés et ont fait l’objet de cercles restauratifs. Pour qu’un modèle de contribution en conscience puisse fonctionner de manière fluide, nous avons découvert qu’il est nécessaire de régulièrement faire circuler la parole sans complexes sur la question de l’argent et de l’engagement. Quoi qu’il en soit, vue l’ampleur de la mutualisation de nos énergies, de la liberté accordée à chacun·e et les asymétries de contributions, nous sommes une expérimentation audacieuse et vivante des principes du revenu de base inconditionnel.
Produire de l’autonomie et de la biodiversité
Avec 40 hectares de prairies, notre intention est de recréer de la biodiversité. Pour ce faire, nous reboisons petit à petit notre terrain, replantons des haies bocagères, avons creusé un étang et laissons la nature reprendre ses droits en ne fauchant plus certaines zones.
En nous inspirant des principes de la permaculture, nous avons planté plus de 400 fruitiers et créé plusieurs zones maraichères pour gagner en autonomie alimentaire.
Et nous revalorisons nos productions : compost alimentaire, fumier humain et foins viennent habiller nos plantations.
Rayonner et essaimer
Dès notre deuxième année de fonctionnement, nous sentions que cette expérience pionnière aurait de quoi attirer et inspirer. Bien au-delà d’assurer nos besoins financiers, notre activité d’accueil est une mission collective que nous vivons passionnément, motivés par le sens de transmettre nos réussites et nos solutions, mais aussi nos erreurs, nos doutes et nos questionnements toujours bien vivants. En quête de cohérence, nous expérimentons une alternative audacieuse, et nous aspirons à transmettre les fruits de cette expérimentation pour que la génération suivante soit encore plus efficace que la nôtre.
C’est cette impulsion, cet élan qui nous a amenés à proposer près d’une vingtaine de semaines chaque année de séjours immersifs, stages et formations sur notre écolieu.
Historique
Dès 1921, à l'avant-garde d'un nouveau système éducatif, Alexander S. Neill a expérimenté avec succès l'idée de confier aux enfants le pouvoir de gouverner leur communauté ensemble, et de choisir les cours auxquels ils souhaitent assister. En 1958, Daniel et Hannah Greenberg fondent Sudbury Valley School, où ils découvrent que les cours formels ont un rôle secondaire dans un modèle éducatif adapté au XXIème siècle. Le jeu libre, les interactions multi-âge et la conversation y forment les bases de l'expérience éducative des enfants. En 2015, Peter Gray publie Libre pour Apprendre, où il pose les fondations scientifiques qui assoient la légitimité d'une éducation dirigée par l'enfant.
S'inspirant de la philosophie et de la science développée par ces maîtres de sagesse, c’est en septembre 2015 qu’est fondée l’école Dynamique à Paris, une des premières écoles démocratiques en France, et une véritable alternative à l’école classique, libérée des programmes prédéfinis, sans rythmes scolaires imposés et sans classes d’âge.
En avril 2016, Sophie Rabhi invite une partie de l’équipe à témoigner de son expérience pour s’en inspirer et transformer l’école la Ferme des Enfants, historiquement basée sur la pédagogie Montessori, en école démocratique.
Ce voyage ravive chez certains des rêves d’éco-village. Ils en parlent autour d’eux et en mai 2016, ce sont une vingtaine de personnes qui se réunissent, dans une démarche volontaire de transition sociétale, autour du projet de création du premier village démocratique, un lieu de vie régie par le principe d’égalité de droits entre individus, indépendamment de leur âge, libéré des contraintes de la compétition et de la hiérarchie, animée par des valeurs de bienveillance et de respect, terreau idéal pour la construction de liens authentiques.
Nous cherchons alors un lieu et le premier lieu que nous visitons est Pourgues, et c’est le coup de foudre immédiat. Nous n’en visiterons pas d’autres. Les premières habitants arrivent à Pourgues en mars 2017.
2017 et 2018 - vivre et faire ensemble
ces deux premières années seront marquées principalement par la mise en place d’un fonctionnement autogéré qui transcende les écueils du facteur humain (plus de 90% des communautés autogérées s’effondrent durant leurs premières années). Nous mettons en place un Conseil de Village, un Comité d’Enquête et d’Arbitrage, des Cercles Restauratifs, la décision par sollicitation d’avis, des réunions de Gestions par Tensions opérationnelles… bref, une panoplie d’outils pour vivre-et-faire-ensemble dans l’horizontalité.
2019 - autonomie économique
Après quelques semaines d’accueil expérimentées en 2018, nous nous lançons résolument dans l’organisation de séjours immersifs et de formations, qui occupent intensément notre communauté sur la belle saison, et nous permettent d’atteindre 115 000€ de chiffre d’affaire, couvrant l’ensemble de nos charges. Nous atteignons l’autonomie économique ! Après le facteur humain, c’est le deuxième principal défi d’une communauté de vie et de travail purement basée sur le volontariat et la libre contribution de chacun.
2020 - 2021 résilience et rythme de croisière
En plein confinement, cette année sera celle d’un bond significatif en matière de prise d’autonomie et de résilience locale, avec l’auto-construction d’habitats écologiques pour nos futurs visiteurs, une activité de maraîchage et de transformation multipliée par un facteur 3 ou 4, et la diversification de notre activité économique par le lancement de formations en ligne. En 2021, nous arrivons à un rythme de croisière. Parfois, c’est bien de se dire, aussi, que pendant une année, nous sommes arrivés à maintenir notre cap, et qu’il n’est pas arrivé grand chose de nouveau :).
2022 - organisation et intégrations
Le début de l’année 2022 a été marqué par la tenue d’élections sans candidats pour nommer nos “Leads”, les personnes chargées de la coordination d’un pôle d’activité. Nous avons ainsi fait un grand pas en avant en matière d’efficacité, et pour une meilleure distribution de la responsabilité, de la charge mentale et du pouvoir.
Avec 5 adultes et 5 enfants en processus d’intégration, qui a fini par un joyeux mariage en fin d’année, 2022 aura surtout été marquée par notre ouverture à des nouveaux. Des séparations avec des habitants historiques, aussi… plus ou moins douloureuses… notamment sur fond de conflit sur les contributions financières de chacun. Pas toujours rose la vie collective, mais toujours apprenante !
Notre organisation
En janvier 2022, nous avons procédé à la première formalisation de notre organisation opérationnelle, articulée autour de 9 pôles. Pour l’année 2023, nous avons légèrement revu les choses et élu les 11 Leads qui coordonnent l’ensemble des activités de l’écovillage.